THE STRAD, Julian Haylock

juin 2020

Un jeu personnel et intériorisé qui sied parfaitement à un programme de récital mémorable. Un programme poétiquement introspectif de cette qualité nécessite par-dessus tout un phrasé sensible et une sonorité enchanteresse, qualités que le violoniste français Virgil Boutellis-Taft possède à un niveau remarquable. D’une manière enjôleuse, il tire de son Montagnana (ex « Régis Pasquier » 1742) un son d’une pureté incandescente qui, associé à son séduisant medium-fast vibrato, crée un monde sonore proche de l’idéal pour ce programme exigeant. Les musiciens au gros son ont invariablement tendance à sur-projeter le Poème de Chausson contre une serre orchestrale post-wagnérienne de chromatismes en fusion. Il est donc rafraichissant d’entendre Boutellis-Taft tracer ses lignes douloureusement sensuelles avec une telle intimité et finesse, et le Royal Philharmonique Orchestra, en forme resplendissante sous la baguette de Jac Van Steen, lui répondre avec une retenue et une souplesse magiques et déliennes. La sonorité de diamant de Boutellis-Taft fait également merveille dans les ardentes incantations de Kol Nidrei de Bruch et Nigun de Bloch, où la ligne soliste, de façon séduisante, tisse en allant et venant dans les textures orchestrales, captée dans un son lumineux et atmosphérique (Henry Wood Hall de Londres) par les ingénieurs d’Aparté François Eckert, Hugo Scremin et Nicolas Bartholomée. L’excellent arrangement de Paul Bateman de la Danse macabre de Saint-Saëns se tient chorégraphiquement en pointe (ce qui est souvent macabrement négligé) et la douloureuse Sérénade mélancolique de Tchaïkovski possède une touchante continuité émotionnelle qui résonne dans la mémoire longtemps après que la musique se soit estompée doucement.

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